DELPHINE TOURNIER
interview
Salut Delphine, pourrais-tu te présenter ?
Hello David, merci pour cette interview ! ♡
Pour me présenter : Delphine (connue sous le nom de Flowers & Bones), bientôt 34 ans, graphiste (passionnée) de métier, mais également formée en Cuisine vegan, j’organise des concerts, je fais des photos et j’adore apprendre de nouvelles choses !
Quel est ton lien avec la scène punk-rock ?
Comment es-tu arrivée dans cette scène ?
J’ai découvert le punk-rock vers mes 13-14 ans et les concerts quelques années plus tard, grâce à l’asso (& label) Some Produkt à Périgueux !
J’ai intégré le milieu en faisant des photos de concerts, et même plusieurs expos (de photos de concerts).
J’ai ensuite fait partie d’une asso d’orga de concerts punk-rock à Bordeaux, puis créé une autre (Young For Eternity) avec mon meilleur pote.
Ça fait maintenant une bonne dizaine d’années que j’évolue dans ce milieu, par le biais de la photo, du graphisme (affiches de concerts, merch, pochettes de disque) mais jamais en tant que musicienne ! J’ai eu une guitare pour mes 18 ans, mais je me suis assez vite rendue compte que c’était pas pour moi et que je préférais être derrière l’objectif de mon appareil photo !
Qu'est-ce qui te surprend ou te touche le plus
dans cette scène ? des souvenirs ?
Ce qui me surprend et me touche le plus, c’est ce partage et cette solidarité, de voir les liens d’amitié et connexions qui se créent, qui nous mènent parfois jusqu’à l’autre bout de la planète et qui restent intactes malgré le temps qui passe.
À force de faire jouer des groupes plusieurs fois, on devient potes avec quelques-uns. J’ai eu la chance d’accompagner certains groupes sur quelques dates en tant que Photographe, Roadie ou encore pour tenir le stand de merch’.
Je suis même partie faire une tournée aux Etats-Unis et au Canada avec le groupe (feu) Western Settings, basé à San Diego ! J’en garde les meilleurs souvenirs.
Si tu devais expliquer le punk-rock à un néophyte,
que dirais-tu ?
Pour moi, c’est bien évidemment un style de musique, mais c’est aussi bien plus que ça.
C’est un mouvement, un état d’esprit, une scène à part, où l’on fait tout soi-même : en mode DIY (Do It Yourself).
C’est un truc indépendant mais qui rassemble pour créer un espace commun, un endroit où l’on se sent chez soi, parce qu’on se retrouve avec des gens animés par le même amour pour ce style musical ou pour tel ou tel groupe.
J’ai ressenti ce truc-là cet été en Allemagne quand je suis allé voir The Flatliners. On a beau être et venir d’un autre pays (je bossais en Autriche à ce moment-là), on s’est tous.tes retrouvés CE même soir dans cette salle pour voir CE groupe. Tout le monde chantait les morceaux par coeur avec une telle énergie, j’en ai encore des frissons ! 8 ans que je ne les avais pas vus sur scène, oui j’ai eu les yeux un peu mouillés. Et surtout ça fait un moment que je ne m’étais pas sentie comme ça (dans le sens : aussi bien entourée, alors que tous.tes étaient de parfaits.es inconnus.es) à un concert.
J’ai trouvé le public allemand est hyper cool et friendly, à faire attention aux uns.es et aux autres.
Parlons de toi, pourquoi as-tu choisi le nom
"Flowers and Bones" ?
J’ai toujours aimé l’imagerie avec des fleurs et des têtes de mort, le côté botanique + anatomie.
Tout ce qui touche au Día de los muertos (fête des morts de la culture mexicaine), que je trouve extrêmement beau et fascinant, leurs rituels sont riches en significations symboliques.
Pour moi, ça signifie aussi le fait de toujours fleurir / grandir / évoluer malgré les moments de “down” (représentés par les ossements, la mort).
Tu as un portfolio impressionnant.
Y a-t-il des travaux plus difficiles que d'autres ?
Effectivement ! Je m’en rends compte quand j’actualise mon portfolio pro et dernièrement quand j’ai complètement refait mon site internet.
La plupart du temps, on me laisse carte blanche pour la réalisation du projet, ce qui me laisse pas mal de liberté et de marge de manœuvre, et donc de facilité.
Ce qui est difficile, c’est quand je n’arrive pas à obtenir le résultat que j’avais en tête dès le départ. Mais c’est là tout l’art et la complexité du métier de graphiste ! Et avec l’expérience, j’ai gagné en efficacité de ce côté-là j’ai l’impression.
Préfères-tu le graphisme ou la photographie ?
Hmm, question difficile ! Ce sont deux domaines différents mais qui (me) permettent d’exprimer des choses. La photographie vieillit mieux que certaines affiches de concerts par exemple, quand je vois ce que je faisais y’a 10 ans.
Et puis pour moi il y a un côté “sentimental” dans la photo, les moments capturés qui deviennent des souvenirs précieux avec le temps qui passe. Mais si vraiment il faut choisir alors je dirai le graphisme, parce que ça me passionne tout simplement !
Tu as vu Diesel, peux-tu en parler sans langue de bois ?
J’ai vu Diesel plusieurs fois, en effet, et j’en garde un souvenir assez émouvant. D’abord parce que ça raconte l’histoire d’un de mes groupes préférés, qui m’a accompagné pendant toute ma vingtaine : Uncommonmenfrommars ♡. Puis parce que je me retrouve complètement dans ce qui est abordé dedans, en plus de voir des têtes (très) familières tout au long du film.
En sortant de la toute première projection, j’ai eu mille fois plus envie de faire, d’organiser des concerts, d’encourager les groupes à faire de la musique, sortir des disques, faire des concerts. Ce film pousse à la création, à entreprendre, toujours dans cet esprit DIY, dans l’échange, le partage, faire dans son coin (dans telle ou telle ville) mais “travailler” ensemble, penser collectif. Parce qu’on a tous.tes quelque chose à apporter, on est tous.tes complémentaires je trouve.
C’est toujours aussi cool de le voir et re-voir, j’aimerai qu’un max de gens (pas forcément dans la scène) le voient, pour qu’ils.elles aient une idée et comprennent un peu mieux ce qu’on y fait et comment, pourquoi.
Plus jeune, j'avais un t-shirt de Suicidal Tendencies avec le texte "Université de Suicidal Tendencies".
On voit souvent des faux t-shirts d'équipe à la manière du football ou du baseball, avec un aspect rétro.
C'est un style graphique qui revient souvent
dans le punk-rock, notamment avec
des vestes de baseball et des chemises.
As-tu un point de vue à ce sujet ? Sais-tu pourquoi cela revient régulièrement ? Est-ce que cela te parle ?
Alors oui ça me parle un peu, je n’ai jamais approfondi la question mais je dirai que ça vient justement du sport, du côté fédérateur/équipe/team, ce truc qui rassemble. Un peu comme une équipe sportive et ses supporters = un groupe de musique et ses fans ? D’ailleurs si quelqu’un.e a une ou plusieurs explications à ça, ça m’intéresserait de les lire !
Pour le visuel du t-shirt, tu as parfaitement compris ma demande, et j'en suis très fier.
Comment trouves-tu l'inspiration pour travailler sur les visuels ? Est-ce que tu y vas au feeling ou est-ce que tu fais des recherches ?
N.B. Il me semble que c'est un one shot, j'ai reçu le visuel et hop, c'est validé ?
Merci encore ! En général, au moment où on me décrit l’idée, mon cerveau est déjà en ébullition, ça fourmille d’idées et d’interprétations. Selon la complexité du projet, j’y vais au feeling et ça va assez vite, ou je fais des recherches, je cherche des inspirations pour coller au mieux à la demande.
Et oui, il me semble aussi que c’était un one-shot ! Je ne me rappelle pas avoir fait de modif sur cette première version de teesh !
J’adore quand les projets se déroulent de cette manière, c’est hyper satisfaisant de voir qu’on a direct capté l’idée et qu’on a réussi à lui donner vie.
Tu as voyagé en van, n'est-ce pas ? Qu'est-ce que la "van life" représente pour toi ? As-tu d'agréables souvenirs à partager ?
Exact, j’ai eu un van pendant quelque temps. C’était à l’époque où je n’avais plus d’appart et j’étais quasi tout le temps en mission avec Sea Shepherd. J’ai eu à ce moment-là un énorme besoin de liberté (et de mettre en stand-by et m’éloigner de pas mal de choses), qui s’est traduit par un changement de vie et matérialisé par l’aménagement d’un van.
Je crois que mes meilleurs souvenirs sont quand j’ai parcouru toute la Bretagne avec mon amour de chat en guise de co-pilote ! Juste elle et moi sur la route, vivre à notre rythme, un nouveau spot avec vue incroyable chaque soir pour dormir. Expérimenter une sorte de retour à la vie “simple” mais tellement enrichissante, moi qui ai plutôt (beaucoup) tendance à accumuler des choses (cds, bouquins, tee-shirts de groupes par exemple..).
As-tu pu travailler à distance ?
Est-ce quelque chose que tu continues peut-être de faire ? Tu avais des rituels, mode de vie, habitudes ?
Oui, j’ai pu travailler depuis mon van, on avait prévu un espace pour ça dans l’aménagement.
À l’époque, je bossais sur la mise en page du livre de recettes végétales “Contre-courant” de Sea Shepherd. Ce qui est pratique avec ce métier, c’est que tu peux exercer de partout, il te suffit d’avoir ton ordi et d’une connexion internet ! D’ailleurs j’ai terminé de bouquin depuis un navire de l’ONG au beau milieu de l’océan, proche de l’Afrique !
Aujourd’hui je n’ai plus de van, je l’ai revendu à un couple qui avait pour projet de parcourir l’Europe avec ! Du coup, j’ai repris un appart et me suis ré-installée à Périgueux (moi qui ne pensais jamais revenir… la vie est pleine de surprises !). Et je suis maintenant 100% graphiste freelance !
As-tu des choses à dire sur tes artistes favoris, des livres, ou de la musique que tu apprécies ?
Alors niveau musique, c’est pas très punk-rock, mais je suis super fan de Taylor Swift (mais comme beaucoup finalement j’ai l’impression !), mes albums préfs sont Folklore et Evermore. J’écoute aussi énormément Boygenius, j’aimais déjà ce que faisait Julian Baker depuis quelques années et c’est Oliv (Panic Monster) qui m’a parlé de Phoebe Bridgers (encore merci pour la reco ♡ si tu passes par-là) !
Je suis complètement passé à côté des autres sorties de l’année dernière, sauf The Traders et Intenable. Des trucs que je vois partout mais que je n’ai pas encore pris le temps d’écouter, genre : Militarie Gun, Medium Build, les nouveaux Menzingers (j’aime tant ce groupe pourtant !!) et Spanish Love Songs.
Je conseille le livre “Vegan Food, Art & Rock’n Roll” de Teresa Moya, qui est tout simplement magnifique ! Allez check le travail de mon amie Delphine Bucher également, Les Editions de la Dernière Chance, que l’on reçoit à Périgueux avec Some Produkt pour une exposition dans une dizaine de jours.
Merci Delphine, David BASSO / Janvier.2024