Orguiène Corniere
interview
Salut Orguiène, pourrais-tu te présenter ?
Salut ! Merci pour cette interview !
Orguiène alias Amer beton ou Guinou pour les copain.e.s, 30ans, installé peinard à Angoulême et passionné de musique, d’illustration et de bande dessinée !
Quel est ton lien avec la scène punk-rock ?
Comment es-tu arrivée dans cette scène ?
Comme beaucoup de garçons de ma génération j’ai commencé à faire un peu de musique avec les copains du collège en campagne Nantaise dans les années 2010.
Mon oncle m’avait montré le clip Fat lip de Sum41 et je trouvais ça hyper cool à l’époque, on voyait des ados faire la fête, du skate, se rouler dans la boue et faire plein de conneries. Même si le côté politique et la pratique d.i.y sont arrivés bien plus tard, l’essentiel était là : du fun, des refrains entraînants et de la guitare saturée, cette musique m’a accroché très vite et ne m’a plus jamais vraiment quitté !
En montant sur Nantes pour aller voir mes premiers concerts j’ai découvert assez naturellement Le groupe Justin(e) et la sphère Guérilla asso. Ces groupes ont forgé une bonne partie de mon tempérament, mon imaginaire politique et l’envie de faire de la musique.
Plus tard en montant en Belgique pour des études d’art graphique, j’ai fondé avec des amis mon premier « vrai » groupe qui a duré quelques années, puis fais pas mal de bénévolat sans vraiment m’arrêter depuis.
Mon lien avec cette scène est devenu assez organique en organisant des concerts, en m’initiant à la technique son, en faisant des illustrations pour des groupes et des affiches ou en étant sur scène en tant que musicien. C’est un terrain de jeu incroyable et émancipateur sur plein d’aspects.
Qu'est-ce qui te surprend ou te touche le plus
dans cette scène ? des souvenirs ?
Le collectif ! Evoluer dans le punk-rock offre des échanges de savoir-faire et de savoir-être et m’a permis de prendre confiance en moi, de me remettre en question tout en vivant des expériences parfois hyper fun et parfois bien craignos…
De manière assez générale je pense que j’ai trouvé dans cette scène ce que d’autres pourraient trouver en faisant des sports collectifs ou dans certains boulots : des individus avec qui créer des choses plus grandes que soi et s’offrir des situations un peu hors normes impossibles à vivre seul.
Pour les souvenirs Pfiou…y’en a déjà tellement…
Dans un registre léger, il y avait cette soirée Anti fasciste à Saint Etienne avec mon ancien groupe ; la chanteuse et moi avions décidé de se décolorer les cheveux dans les loges juste avant que l’orga ramène le repas. Au moment de manger, le lieu sentait à fond l’ammoniaque et tout le monde tirait la tronche en mangeant son riz saucisse, on a compris que c’était la décoloration qu’on avait sur le crâne qui puait à mort. On s’est senti con mais ça nous a fait marrer. Le côté « petit con » m’a toujours plu, surtout au milieu de gens qui se prennent trop au sérieux. Pour moi la dérision reste un fondamental dans le punk rock.
Si tu devais expliquer le punk-rock à un néophyte,
que dirais-tu ?
Mhhh essayer de poser une définition claire sur un truc aussi riche me parait un peu casse gueule…
Je dirais que c’est un mouvement musical évoluant dans une relative autonomie promulguant du fun, du collectif (on y revient) et une haute idée de l’anarchisme à travers la pratique d.i.y ; Ne pas attendre des institutions une quelconque reconnaissance en se concentrant ensemble sur ce que l’on peut faire à notre échelle avec les moyens du bords. Que ce soit pour la musique, le graphisme des pochettes ou l’organisation de concerts, de tournées…
Parlons de toi...
tu es illustrateur et tatoueur non ?
Oui ! Enfin pour le tatouage je suis encore apprenti dans le shop Dernière récré à Limoges (coucou @dellco). Je dessine pour des groupes, des orgas et des fanzines depuis dix ans mais jamais de manière professionnelle.
Apres des années de salariat j’ai décidé pour mes 30ans de sauter le pas, de me mettre au chômage et apprendre le tattoo tout en multipliant les petites commandes d’illustrations et quelques planches de Bds. Le pari est risqué financièrement mais en vaut la peine. Je m’éclate et dessine (pratique) tous les jours, je me nourris à fond d’images, je tente des trucs…
Jongler sur plusieurs pratiques autour du dessin ouvre pas mal de perspectives. La où une illustration ou une planche de bd prendra plusieurs jours voire des semaines, le tatouage offre la possibilité de créer des motifs inédits en un voire deux jours.
Et tout ça sans parler de l’expérience sur la peau qui est un domaine, lui aussi, très riche !
Ton style de dessin est cool varié, mais on sent les références de l’âge d'or de l'animation américaine comme Felix le chat. Ça vient d’où cette passion ?
La manière de digérer ses influences reste un processus assez inconscient mais oui il y’a de ça ! En ce moment, pour remettre la patte sérieusement dans le dessin je pioche pas mal dans les codes de l’animation traditionnelle. L’école américaine reste une référence dans le domaine quand on s’intéresse aux mouvements des personnages. Plus j’avance dans ma pratique plus je m’essaye à la « théorie des trois traits » ou comment représenter de manière simple un sujet d’apparence compliquée.
Il y’a aussi peut-être une logique économique à l’œuvre là-dedans : pour produire en quantité il faut parfois se résoudre à aller à l’essentiel tout en restant juste. C’est un exercice très riche qui m’impose pas mal de rigueur, un peu comme le punk rock finalement !
Tu es aussi influencé par Crumb, je me trompe ?
La référence revient souvent ! Pour le coup c’est l’autre versant de ce que je fais depuis pas mal de temps : beaucoup de traits pour cacher les erreurs et beaucoup de contrastes noir et blanc. Même si Crumb est un monstre de dessin, j’aime beaucoup l’esthétique propre au fanzine et à la bd autobiographique underground.
Les histoires de Crumb, Julie Doucet ou Matt Konture pour ne citer qu’eux sont toujours très trashs, très intimes et souvent amorales, c’est parfois pas hyper simple à lire mais débordant de sincérité !
Ce style est ce qui m’a le plus influencé dans ma pratique mais j’essaye d’aller vers plein d’autres choses pour ne pas m’enfermer dans une identité trop marquée.
Le Must est de pouvoir adapter son dessin à n’importe quelle demande, n’importe quelle histoire. Même si j’en suis encore loin c’est chouette d’avancer avec le plus de souplesse possible.
A choisir : Papier ou tablette graphique ?
Impossible de choisir ! Les deux sont des outils hypers riches qui comportent leurs forces et leur faiblesses.
Dernièrement j’ai investi dans un iPad et le logiciel Procreate bien connu pour le tatouage et l’illustration. Je fonctionne aussi pas mal avec Photoshop pour des mises en pages et la mise en couleur.
Tous les outils numériques sont supers et c’est une mine d’or pour expérimenter ou palier à certaines faiblesses de dessin mais ça ne remplacera jamais un bon vieux bloc de feuilles A4 et un crayon HB. Ça serait comme choisir entre une gratte acoustique ou électrique : le rendu sera différent mais la composition, l’idée initiale elle, restera la même quelque soit l’instrument, les couches d’effets et d’arrangements posés dessus. En dessin c’est la même chose !
Pour mon travail je commence la plupart du temps par un dessin brut au crayon puis je viens faire mon encrage à l’encre avant d’ouvrir ma tablette pour faire des modifications. Puis je fais des allers-retours, je reviens sur mon dessin papier, je coupe, je recolle etc…
Pour le visuel du t-shirt. Comment t’est venu l’inspiration ?
A la base j’étais parti sur une pédale d’effet comme sujet principal mais le côté monolithique de l’objet m’a un peu bloqué pour faire quelque chose de dynamique.
Le camion m’a paru assez évident, c’est un acteur à part entière de la scène punk rock dans lequel les groupes vont parfois passer plus de temps que sur scène.
La fumée sortant du capot permettait une dynamique plus libre pour la typographie et de raconter un début d’histoire : on imagine facilement le plan galère, le camion tombe en panne en pleine campagne, le coffre ouvert et les marques sur la carrosserie laissent imaginer des aventures un peu poisseuses comme j’en ai entendu des tonnes au sein des groupes.
Pour le traitement graphique je voulais me rapprocher de quelque chose d’épuré, simple et lisible pour qu’on puisse identifier le titre de loin.
Pour l’idée j’ai appliqué une méthode assez conventionnelle : j’ai rematté le doc, fait un dossier avec le maximum de clichés sur le punk rock et des éléments récurrents puis j’ai gribouillé quelques pages de carnet jusqu’à trouver la bonne composition, les bon accords.
J’ai attaqué la version finale sur laquelle je suis revenu une dizaine de fois avant d’en être (a peu près) satisfait.
La dynamique est excellente avec cette flamme gigantesque. On dirait une affiche de groupe en tournée.
Merci ! je suis très content que ça te plaise et que le clin d’œil à l’esthétique de certaines affiches se ressente !
Tu joues dans un groupe non ?
Oui ! J’écris et je chante dans le groupe 10JUIN (comme la date). On fait un punk rock français dans la direct lignée de Justin(e), Diego pallavas, GxP… c’est un super projet qui nous porte pas mal ces derniers temps. Je suis assez content parce que ce groupe commence timidement à avoir une identité sonore assez propre. La guitare joue pas mal d’accords mineurs légèrement dissonant sur lesquelles je viens poser des textes amers, surréalistes, potaches et politiques. La mayonnaise prend bien et on commence à tourner tranquillement avec des gens cools. Bref, tout est bien.
Tu as vu Diesel, peux-tu en parler sans langue de bois ?
Alors déjà je peux te dire que j’ai beaucoup aimé ! Déjà parce que j’y ai retrouvé ou découvert des figures qui m’avaient pas mal influencé plus jeune et aussi parce que l’on ressent, tout au long du documentaire une vraie passion pour les unco et les acteurs de la scène.
J’aime que Diesel ne prenne pas le même reflexe passéiste comme d’autres films du genre qui vantent les mérites des années punk 70/80 en clamant haut et fort que le punk est mort, que tout s’est joué avec les bérus et qu’il n’y a plus de scène maintenant ! Je ne dis pas que les Bérurier noir ne sont pas importants pour l’histoire de la scène mais j’en ai un peu marre, du haut de mes trente ans, d’entendre qu’il ne se passe plus rien. Tout simplement parce qu’en étant un peu attentif au réel c’est tout simplement faux ! Il y a florilège de groupes portés par la génération de « grands frères » dépeinte dans diesel qui se bouge et font des trucs, Même si ça n’est pas toujours autant du « punk rock » que ce que tu dépeins, la scène reste très riche !
Le Documentaire est aussi très cool dans sa dimension matérielle. Loin des clichés sur le succès, on y apprend comment les mecs se demmerdent pour organiser une tournée, rentrer dans leurs frais (ou pas) et dealer avec leur vie de tous les jours, leurs boulots, leurs familles, leurs amours tout en étant passionnés, c’est primordial ça !
Enfin ce que j’aime énormément c’est que le docu vient casser l’Ideal romantique sur les musiciens qu’on a tendance à se faire d’entrée de jeu. Également sur le côté « fête » qui colle (à raison ahah) à la scène punk. Dans diesel on découvre des gars passionnés et passionnants qui ont l’air droits dans leurs baskets et ça, ça donne grave envie d’en être !
As-tu des choses à dire sur tes artistes favoris, des livres, ou de la musique que tu apprécies ?
En musique ma dernière claque a été l’album « How much art can you take » de The Traders. La construction des morceaux, les arrangements tout est dingue dans ce disque, grosse pépite ! Et « disruption » de Vulgaires machins. Les Vulgaires ont une écriture incroyable quand il s’agit de parler de sentiments amers, d’amour, de dépression ou du capitalisme qui pourri tout. Ça me cause.
En bande dessinée « Cauchemar » de Pierre Ferrero aux Editions l’employé du moi. C’est un récit sf un peu barré ou le maréchal Pétain revient d’entre les morts et fusionne avec Macron pour faire un e espèce de monstre fasciste qui transforme tous les flics en porc. C’est hyper barré mais heureusement, ça reste de la sf…oh wait !
Sinon une grosse claque de cinéma : Poor things (pauvres Creatures) de Yorgos Lanthimos, récit initiatique féministe totalement fou. La Da du film rappelle les trucs un peu steampunk de Jeunet en mode la cité des enfants perdus, c’est hyper beau, le message est profondément émancipateur. Bref faut aller le voir à fond !
Le mot de la fin ?
Merci pour ta proposition et j’espère ne pas avoir été trop long dans mes réponses,
A bientôt sur la route !
Merci Orguiène , merci à vous d’avoir lu l’article.
Vous pouvez le suivre sur Instagram :
Illustrations : @el.guinou et Tattoo : @amerbeton.ttt
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